Review – K-branding – Live at Nova (Bruxelles – dec 2010)

Next Clues – Totenfest – 18/12/2010 – Link

Auteurs d’un redoutable et excellent Facial, véritable charge noise-indus hypnotique et sans concessions sortie l’an dernier sur le label bruxellois Humpty Dumpty Records, K-Branding revient enfin au Nova avec un double set comprenant un ciné-concert puis un live classique.

Invités par le Cinéma Nova à travailler sur des films courts et expérimentaux, le groupe en aura finalement choisi trois, d’époque et de notoriété diverses.
Outer Space de Peter Tscherkassky, visible ici en piètre qualité, d’ores et déjà un classique du film expérimental, primé à juste titre un peu partout, propose la relecture radicale d’une scène tirée de Entity de Sydney J. Furie. Montage hallucinant et travail au stylo lumineux permettent à Tscherkassky de recréer une nouvelle pellicule où le film devient finalement l’unique menace réelle, l’agresseur invisible prêt à s’immoler pour tuer. Film sur la peur, sur la schizophrénie, mais aussi réflexion sur l’art du montage et les possibilités du cinéma, Outer Space met d’entrée de jeu la barre très haut, d’autant plus que le son originel de l’œuvre, simple bruit de la pellicule en souffrance, est proche de la perfection.
Les K-Branding vont opter pour l’option la plus évidente : créer une musique angoissante et horrifique pour accompagner ce crescendo dans le chaos et l’oppression.
Pour aider les malheureux ignorants à se faire une idée, on peut dire que la musique du groupe bruxellois oscille entre différents pôles d’attraction, de Naked City à Sightings avec une bonne louche de Throbbing Gristle, le tout tendant vers la transe et l’hypnose.
Leur bande-son du film Outer Space va donc développer un univers sordide à base de sifflements et de grésillements qui vont aller dégénérant vers une transe bancale et malsaine.
Oui, ça fait beaucoup d’adjectifs évoquant la même chose : le Mal, Satan, la psychose, la boue, en tout cas pas la mélodie du bonheur. À ma décharge, force est de reconnaitre que la musique composée pour l’occasion manquait peut-être légèrement de subtilité et de contrastes, et qu’elle peinait quelque peu à rendre grâce à la complexité et à l’envoutement provoqués par le film.
Comme souvent, le concept prometteur du ciné-concert se heurte à la masse de travail nécessaire pour créer une bande-son réellement adaptée au film, et laisse au spectateur un goût d’inachèvement un peu désagréable.

Heureusement, le film suivant, Living, de Frans Zwartjes, va être l’occasion pour le groupe d’offrir un grand moment de transe industrielle.
Moins impressionnant dans sa forme que le très abouti Outer Space, Living montre les déambulations dans une maison presque vide de Frans Zwartjes et de sa femme. Les mouvements improbables de caméra ne soulignent que leur quasi-immobilité, Frans suçote compulsivement son mouchoir et Trix finit par montrer ses seins. Résumé comme ça, ça semble ridicule, et sans doute c’en est vraiment pas loin, mais une étrangeté finit par opérer sur le long terme et au final, c’est assez troublant.
Sur ce canevas très vide, les K-Branding vont construire patiemment une cavalcade indus aux relents krautrock rythmée par les sons électroniques bien froids tirés des pads de la batterie. Faisant monter lentement la tension, le groupe va atteindre un rythme de croisière redoutable et créer un terrible moment d’hypnose et d’absence.
Gros plaisir général et réchauffement direct de la température dans la salle du Nova.

Le dernier film choisi par les musiciens date de 1925, il s’agit de Jeux Des Reflets Et De La Vitesse par Henry Chomette…
Une version infâme est disponible ici.
Un film simple mais nerveux (voire qui tend vers l’hystérie), sur lequel les K-Branding vont tout simplement asséner un gros free-noise bien agressif.
Pas l’option la plus originale encore une fois, mais qui a le mérite d’être efficace.

Pause de vingt minutes et dégustation de bières au bar pendant que le groupe se reconfigure pour un set live classique attendu avec une certaine impatience et curiosité par votre serviteur.
Car K-Branding, qui avait disparu des radars pendant quelques mois, revient enfin en 2011 avec de nouveaux morceaux et un nouvel album, qui serait d’ailleurs déjà enregistré et en cours de mixage.
Donc la question est : que cela va-t-il donner ?

Et pour y répondre, on remonte rapidement vers la salle du Nova (car à l’inverse de la plupart des lieux, le bar est ici dans la cave tandis que la salle est au rez-de-chaussée).
Le point un peu contrariant de faire un concert dans une salle de cinéma, c’est qu’on ne peut pas enlever les sièges. Il va donc falloir s’asseoir et contempler le groupe de loin, sans pouvoir suer un peu des oreilles à proximité des amplis.
C’est assez frustrant et rend l’ambiance générale un peu molle, mais passons.

Quels changements notables peut-on noter dans l’équipement du groupe qui puisse laisser présager de changements musicaux marquants?
Les pads électroniques de la batterie de Sébastien Schmit (amateurs d’ambiances maussades, voir aussi son projet Service Special) reliés à un contrôleur midi ont déjà prouvé leur efficacité durant le ciné-concert ; le guitariste Grégory Duby (dont vous pouvez aussi au passage consulter les projets Jesus is my Son et, euh, Grégory Duby, c’est très bon) joue sur un Twin Reverb à présent ; il y a peut-être plus de machines et de bazar analogique autour du saxophoniste Vincent Stefanutti qu’avant, mais à part ça, la configuration reste la même : un trio guitare-batterie + machines-saxo + machines-voix…
Et en effet, la musique du groupe n’a pas fondamentalement changé, on reste dans les mêmes atmosphères extrémistes et saturées, dans les rythmiques à la fois complexes et irrésistibles qui tendent toutes vers la folie.
Peut-être peut-on noter un desséchement des ambiances, avec une part plus grande laissée à la répétition, aux climats délétères, et moins de furie noise qu’avant (plus de Throbbing Gristle et moins de Sightings, pour situer) ?
Certaines structures de morceaux m’ont aussi paru plus simples qu’auparavant, voire laissées à l’abandon, en état larvaire. Dur de dire si c’est le signe d’un laisser-aller ou s’il s’agit d’un choix délibéré, car ce refus presque autiste de la structure sur un ou deux morceaux ne laisse pas non plus indifférent mais rend cette musique encore plus malade et nihiliste.
D’autres morceaux sont parfaitement hypnotiques et pourraient – plutôt devraient, d’ailleurs – vraiment durer bien plus longtemps, et ceci sans aucun changement (oui, j’aime les musiques répétitives).
Le rappel bat le retour des rythmiques guerrières de la jungle cold-wave héritées de Facial, et tout le monde est conquis.

Au final, dur de juger les nouveaux morceaux de K-Branding à l’aune d’un seul concert dans une salle de cinéma, mais tout cela m’a eu l’air tout à fait redoutable, parfaitement malade et toujours en quête de transe.

Verdict : vivement le disque.

Review – Jesus is my son – Je suis Dieu – Foxy Digitalis

Foxy Digitalis – Jordan Anderson – 28/07/2010 – Link

This is an excellent series of devotional pieces by Jesus is my son, evidently influenced by “Olivier Messiaen’s Christian music,” and attempting to make “a Church organ album with a single guitar without any artifact,” according to notes for the album. It is a highly interesting concept, and the recordings presented here are as interesting as the idea behind them: not only do some of the best aspects of the recordings come from a real heaviness of the distorted, fingerpicked guitar, on pieces such as “L’Ascension du Seigneur” and “Le Chemin de Croix – station 4,” but on the arpeggiated “Hymne a la Vierge Marie,” a genuine highlight of the record, played in what sounds like the style of a Baroque composition, a real sense that the artist has accomplished what they have set out to do is expressed. 9/10 — Jordan Anderson (28 July, 2010)

Review – Jesus is my son – Je suis Dieu – Shoot me again

Shoot me again – Fred – 06/07/2010 – Link

Je Suis Dieu… rien que ça ! Quand on appelle son projet JESUS IS MY SON , il n’y a rien d’étonnant de se prendre pour Dieu après. Et quand on veut faire de la musique christique comme Olivier Messiaen, il ne faut pas se surprendre à s’interroger si l’auteur ne nous fait pas une crise mystique.

En solitaire maintenant, Duby reprend les commandes 4 ans après le EP Sacrifices Odieux. Toujours mu par ses expérimentations sonores, JESUS IS MY SON a pour ambition de recréer une musique similaire à celle des orgues d’églises avec sa seule guitare. Sans d’autres artifices que la distorsion, Je Suis Dieu développe une musique lente et atmosphérique. Aux ambiances étranges et stridentes, elle résonne de ses mystères.

Si le son de guitare ne trompe pas, il est vrai que le style est organesque, engendrant un climat malsain fait d’introspection, de mysticisme et d’angoisse. Avec cette retranscription occulte de cette crainte du jugement du Tout Puissant, ma demeure prend sous ce déluge de sons des allures de lieux de culte et de recueillement. Mes vitres se changent en vitraux sombres, rouges et bleus qui tamisent la lumière.

L’esprit se serre et les torpeurs refont surface. Subjugué par cet univers, le temps s’est arrêté et l’expérience se vit dans la douleur et la culpabilité. Tout comme la musique du film de Stanley Kubrick, Shining, contribue à plonger le spectateur dans cet univers de folie et de possession, JESUS IS MY SON retranscrit la culpabilité inculquée, bien malgré nous, par deux millénaires de christianisme qui rode dans ces monuments abyssaux que sont les églises.

La tentative était audacieuse. En créant un son massif, chargé d’écho et de résonance, JESUS IS MY SON parvient incontestablement à relever le défi qu’il s’est lancé. On ne sort pas indemne de cette expérience qui rappelle finalement à quel point un monde uniquement fait d’images ou de discours serait bien moins efficace et qui soulève la question du rôle de la musique dans l’endoctrinement religieux.